15. avr., 2020

Un téléthon pour nos aînés!?

Un téléthon pour nos aînés !?

L’horrible drame que nous vivons dans les CHSLD en ce moment, m’a ramené dans le passé.

En 1980 alors que j’étudie au CEGEP ST-Laurent en techniques infirmières, je suis embauchée à l’hôtel Dieu de Montréal comme préposée aux bénéficiaires…on disait à l’époque ; aide infirmière. J’ai fait plusieurs départements; chirurgie, psychiatrie…et mon beau département de gériatrie…le pavillon De Bullion.

C’était comme un mini CHSLD, avant l’apparition de ceux-ci. Nous avions laveuse/sécheuse, salle commune …Mais c’était déjà difficile, il y avait une certaine tension entre le personnel. De plus nous étions à l’époque du référendum…donc le climat était lourd.

Je me souviens d’un infirmier (probablement épuisé) qui serrait un peu trop fort les bras de nos patients…mais son impatience était sélective. Comme par exemple, lorsqu’il me disait le matin : ‘commence par Madame X… parce que sa fille vient chaque jour, il faut qu’elle soit prête’. Bizarre Je ne l’ai jamais vu faire des gestes déplacés à l’égard de cette patiente.
Mais elle n’était pas la seule sur le département, il y avait une belle Délima, ancienne prostituée selon cet infirmier, comme si on avait besoin de connaître ce détail. Puis il y avait aussi Délia, une autre âme seule et perturbée. Il y avait de beaux messieurs aussi. Ha comme je les aimais ces belles personnes.
Donc comme je n’aime pas l’injustice dans la vie, je me disais que ces dames sans familles et sans visites allaient avoir droit à une petit maquillage chaque jour…et mes hommes un beau rasage…on dansait, on chantait…

À l’époque je voulais faire savoir à cet infirmier qu’il était peut-être un peu brusque avec les patients mais je manquais de confiance, j’étais intimidé par sa forte personnalité…donc je compensais en redonnant encore plus d’amour à tout ce beau monde, comme une mère avec ses enfants dans un couple malsain….

Puis arrive ma graduation, je demande à rencontrer ma supérieure, lorsque je lui ai mentionné que peut-être que cet infirmier pourrait changer de département pour quelque temps, le temps de se refaire une patience…oufff réaction glaciale…J’ai compris que je ne pouvais jouer dans la cour des grands. Je n’ai plus jamais remis les pieds à l’Hôtel Dieu.

Plusieurs années plus tard, mon parcours m’a fait connaître les soins à domicile pour le CLSC Montréal Nord. Oufff encore une autre dure réalité.

Des gens seuls, négligés, sans le sou pour se faire livrer un petit St-Hubert à l’occasion. Pas assez de budget au CLCS pour offrir un deuxième bain / semaine à cette dame .Pas de visite pour ce Monsieur qui me dit que son fils habite trop loin…ha oui ! Il est dans une autre province ? je lui demande…non il habite à Longueuil…Je ne juge pas, je constate. Je ne connais pas leur passé,ce qu’a fait ce monsieur pour mériter ce triste sort.

Puis j’ai commencé à faire des soins de pieds à domicile et constaté que les personnes attendaient d’avoir une douleur extrême avant de demander de l’aide. Comme si prendre soin de soi n’était pas envisageable.

Les personnes âgées ont fait leurs vies, élevées leurs familles, sans jamais se plaindre, travaillaient dur et de longues heures, ne se payaient pas de luxe et voulaient vivre le plus longtemps possible dans leur appartement ou maison. On a tous entendu nos parents ou grands-parents nous dire qu’ils ne voulaient pas finir dans un mouroir.

Chaque drame, l’espère t’on doit nous apporter une grande leçon de vie. Celui-ci que nous constatons ces jours-ci dans les CHSLD doit être le début d’une nouvelle façon de traiter notre monde.

Chaque année, nous entendons parler de téléthons pour les enfants et c’est très bien ainsi. Nos cœurs sont touchés et nous voulons ce qu’il y a de mieux pour eux.
Pourquoi n’en serait il pas de même pour nos bâtisseurs, pourquoi nos aînés ne pourraient pas avoir hâte d’aller dans une maison de repos, maison de vie…peu importe l’appellation.

Aucune classe sociale, même tarif pour tous, des chefs pour les repas, un spa avec massage (le toucher est primordial) des lits confortables, des draps colorés, une belle fenestration, une salle de toilette pour chaque résident, des grands jardins, du personnel heureux d’y être…et plus plus plus…

Lorsqu’ils prendront le bateau pour faire la dernière croisière de leur vie, nos aînés pourraient avoir droit eux aussi à un membre de personnel pour deux résidents, comme sur les beaux navires…Bien sûr il est permis d’y croire…

Pour se faire il faudra payer adéquatement les intervenants et surtout inclure nos aînés dans les budgets prioritaires…au même titre que l’éducation, la santé, les parents aidants d’enfants handicapés, le logement social, manger à sa faim pour tous …et tellement plus…

Malgré tout je crois en l’humanité et remercie toute ces personnes qui à un moment donné de leur vie, ont pris soin avec amour, dignité et patience de nos aînés.

Merci aux Adrienne, Adeline, Jessica…. De ce monde.

Ouin ça va bien aller qu’on nous dit ….

-Francine Bernier, Infirmière et future aînée
14 Avril 2020